Témoignage d'un client mystère

Propos recueillis par Marie Cousin (l'Express)

Jean, 57 ans, «client mystère»

Lorsque j'ai pris ma retraite, à 55 ans, je me sentais bien trop jeune pour rester à ne rien faire. J'ai donc cherché une occupation intéressante et pas trop contraignante. Je suis tombé sur une annonce de l'ANPE et je suis devenu «client mystère». Mon job? Evaluer la qualité du service offert aux clients en testant personnellement commerces, hôtels, agences de voyages et transports en commun. Pour moi, c'est l'idéal. Chaque mission est un nouveau contrat que je peux refuser. Et, en tant qu'ancien fonctionnaire de police, faire des enquêtes de qualité me correspond tout à fait. Certaines personnes voient d'un mauvais oeil ces pratiques d'évaluation et les associent à de l'espionnage ou à de la délation.

Mais elles ignorent nos règles de fonctionnement. Moi-même, j'étais sceptique en répondant à l'annonce: le terme «mystère», ça fait sourire! Mes enfants se sont gentiment moqués: j'allais devenir James Bond! En fait, lorsque j'ai reçu mes premières consignes, j'ai été très surpris du professionnalisme des enquêtes. Par exemple, pour un hôtel, le dossier comporte près de 200 points, une trentaine de questions ouvertes et une synthèse. Pour ce genre d'établissement, on a la possibilité de passer plusieurs fois dans les lieux. C'est plus facile que de tester un commerce, comme une boulangerie. Le temps d'acheter un pain, je dois observer, poser des questions, retenir les détails de la devanture... Le tout en étant le plus naturel possible, pour ne pas me faire remarquer.

A chaque mission, je reçois des instructions précises. Par exemple, pour un restaurant, on me demande de commander tel plat accompagné du vin du mois. Contrairement à ce que l'on pense, le personnel - qui est toujours informé de l'éventualité d'une visite - n'est pas contre l'idée d'être évalué sur le service qu'il offre. Dans la plupart des cas, il estime même que c'est une source de motivation. De toute façon, mon but n'est pas de torpiller les salariés. Ma société m'a d'ailleurs assuré qu'ils ne risquaient aucune sanction.

Personnellement, je suis convaincu des avantages de cette méthode. Pour qu'une organisation fonctionne, il faut l'évaluer. Certaines entreprises règlent cela en interne. Nous, nous le faisons en tant qu'élément extérieur, donc sans a priori. Dès lors, pourquoi un contrôle extérieur d'un client sérieux serait-il moins pertinent qu'un contrôle en interne effectué par un expert?